Contrôle fiscal sans déplacement

Un contrôle fiscal implique avant tout que l’administration fiscale se rende chez le contribuable pour y consulter les livres. Le fisc a certes le droit de prendre des copies, mais il doit venir jusqu’à vous. Une nouvelle loi autorise à présent le fisc à effectuer des contrôles sans devoir se déplacer.

Petite disposition, grand impact

Une loi de mi-2021 ajoute un nouvel alinéa à l’article 315bis du Code des impôts sur les revenus 1992 : « Sans préjudice du droit du contribuable de demander ou fournir des renseignements verbaux, la communication des livres et documents visés à l’article 315, alinéa 1er s’applique, pour les personnes physiques et les personnes morales visées à l’alinéa 1er, également à la mise à disposition de ces livres et documents via une plateforme électronique sécurisée du SPF Finances ». Cet alinéa – qui a d’ailleurs également été introduit dans la législation TVA – constitue la base du contrôle des livres à distance.

Jusqu’à présent, la communication des « livres, factures, documents, dossiers et données nécessaires afin de déterminer le montant du revenu imposable » (ou d’assurer la perception correcte de la TVA) se faisait toujours sans que le contribuable doive se déplacer. Il appartenait donc au fisc de mobiliser (la plupart) des moyens humains et matériels pour effectuer le contrôle dans les locaux du contribuable. Le contribuable de son côté devait mettre à disposition les moyens humains et matériels nécessaires pour répondre aux questions du fonctionnaire fiscal et communiquer les documents.

Nous pourrions mieux faire, s’est dit l’administration fiscale... et c’est de cela que traite cette petite disposition.

Plateforme

L’idée est que le contribuable poste les livres et documents en question sur une plateforme à laquelle le fisc a également accès. De très nombreux contribuables tiennent en effet leur comptabilité au format numérique ou confient à leur expert-comptable le soin de tenir leur comptabilité au format numérique. Ces informations numériques peuvent donc facilement être rendues accessibles au fisc.

Les modalités concrètes de cette mise à disposition n’ont pas encore été définies. Il se peut que les informations doivent d’abord encore être converties dans un format lisible pour le fisc.

L’obligation de mise à disposition sur la plateforme ne concerne par ailleurs pas uniquement la comptabilité. Tous les autres documents doivent également être mis à disposition au format numérique via la plateforme.

Que faire si vous ne tenez pas une comptabilité numérique ?

Les entrepreneurs indépendants qui tiennent leur comptabilité et autres documents sur papier ne doivent pas s’inquiéter. Les entrepreneurs qui ne tiennent pas leurs livres et documents sous forme électronique ne sont tout simplement pas concernés par cette obligation. Dans ce cas, le contrôleur devra toujours se rendre sur place ou adresser un courrier à l’entrepreneur l’invitant à transmettre certains documents.

Les sociétés quant à elles n’ont pas le choix. Elles sont de toute façon déjà obligées de tenir leur comptabilité au format numérique. Dans le cas plutôt improbable où une société n’aurait pas de connexion à l’Internet, elle peut charger un expert-comptable de poster les documents pour elle sur la plateforme.

Pour « votre » confort

Durant la préparation de cette loi, le ministre a insisté à plusieurs reprises sur les avantages de cette mesure pour le contribuable : le contribuable ne doit plus libérer de temps pour recevoir le contrôleur et répondre à ses questions. Qui plus est, la charge administrative est réduite à un minimum : les informations peuvent être postées sur la plateforme en un simple clic.

Mais il est inutile d’expliquer que les avantages pour l’administration fiscale sont sans doute encore plus importants. Les fonctionnaires pourront désormais effectuer les contrôles depuis leur siège de bureau, où qu’il se trouve.

Un autre avantage est que l’administration fiscale pourra utiliser beaucoup plus facilement les informations obtenues à des fins d’exploration de données (datamining). En l’occurrence, l’ordinateur recherche dans les quantités énormes d’informations dont l’administration fiscale dispose des modèles indicateurs d’opérations frauduleuses. Le ministre a toutefois promis au Parlement que son administration « n’irait pas à la pêche », mais la question est de savoir si le fisc laissera ces montagnes d’informations inutilisées.
Il n’y a plus qu’à espérer que l’administration fiscale ait de bons contacts avec ses collègues néerlandais. Là-bas, l’exploration de données (datamining) a été à l’origine de « l’affaire des allocations ».

La crise du coronavirus a favorisé la numérisation, mais nous devons malgré tout rester critiques à l’égard de tout ce que l’ordinateur peut faire pour nous.